dimanche 13 octobre 2013

Le localisme des solutions locales pour un ordre global.

Il y a quelques jours, je m'interrogeais sur l'utilisation du concept de biocénose (un concept issu de l'écologique scientifique) et de son application à l'agroalimentaire. Le cas de la coopérative multiparties Fith Season, une fructueuse tentative de construire un système alimentaire régional dans une partie du Wisconsin aux USA, illustrait la mise en oeuvre du concept. L'idée de biocénose est intimement associée à une forme de localisme. Le territoire est à la biocénose industrielle et commerciale, ce que le biotope est à la biocénose biologique. 

BALLE est une organisation américaine, dont le motto est "be a localist", conceptualise le développement économique local au service de l'homme et de la nature, toutes les économies locales (plus vertueuses) s'intégrant dans un réseau global. Dans la conception économique de BALLE, le réseau économique local est la clef de voûte sans laquelle l'économie globale ne peut véritablement s'épanouir. Je vous propose ci-dessous une traduction des principes du localisme selon BALLE. 

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Les 7 principes du localisme selon BALLE 

1. Pensez local d'abord : BALLE construit des économies locales en achetant des aliments, des biens et des services produits localement, en investissant le capital localement et en soutenant les arts locaux et les médias locaux indépendants. Penser d'abord local améliore la santé de l'environnement, renforce la communauté et contribue à la démocratie fonctionnelle.

2. Accroître l'autonomie : BALLE travaille à augmenter l'autonomie personnelle, communautaire et régionale en renforçant les capacités de production pour satisfaire aux besoins fondamentaux comme la nourriture, de l'eau et de l'énergie au plus près possible du domicile. L'autonomie augmente la résilience locale, économise l'énergie et contribue à une solide fondation pour la paix dans le monde .

3. Partager la prospérité : la répartition juste et équitable des ressources et des profits est essentielle à la qualité de vie que nous recherchons. Les moyens d'une juste répartition passent par un investissement dans les entreprises locales qui adoptent un comportement équitable vis-à-vis de leurs employés et de leurs partenaires économiques (locaux).  

4. Construire la Communauté : BALLE construit les communautés au travers des échanges économiques locaux, en s'établissant auprès des producteurs et des consommateurs, des investisseurs et des entrepreneurs, des prêteurs et des emprunteurs. La vie communautaire crée un sentiment d'identité et d'appartenance qui favorise la sécurité et le bonheur. La collaboration, la coopération et le commerce équitable entre les communautés permettent de créer une architecture à taille humaine pour une société mondiale durable.

5. Travailler avec la nature : BALLE cherche à intégrer les activités humaines avec les systèmes naturels afin de créer de la prospérité réelle et durable. Chaque décision que nous prenons affecte la vitalité de notre écosystème, la santé de toutes les espèces et de la disponibilité des ressources qui soutiennent la vie .

6. Célébrez la diversité : BALLE célèbre et nourrit la diversité naturelle de la famille humaine, les écosystèmes et les économies. La diversité accroît la résilience, propulse l'innovation, cultive la paix, et favorise la beauté et la joie.

7. Mesurer ce qui compte : BALLE mesure le succès par les choses qui comptent vraiment pour nous - la connaissance , la créativité , les relations , la santé , la conscience et le bonheur - plutôt que la croissance continue des biens matériels.

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Les articulations de la théorie de BALLE doivent être explorées en profondeur pour mieux apprécier comment la recherche d'une plus grande autonomie et une réduction du champ des choix aux opportunités locales peuvent s'intégrer harmonieusement.  Qu'il s'agisse de biocénose industrielle ou de localisme, la réflexion porte essentiellement sur l'impact pour une économie, locale ou globale, de la décision d'un acteur économique à limiter unilatéralement ses degrés de liberté (ce qui consiste à s'interdire de manière crédible plusieurs choix). La théorie des jeux souligne l'intérêt qu'il peut exister pour un acteur économique à restreindre ses choix et celui que ce mouvement produit chez d'autres acteurs. Par exemple, il est souvent intéressant pour des concurrents de s'interdire de proposer leurs produits à des prix trop faibles (on parle alors de collusion). Dans cette histoire, les entreprises sont les bénéficiaires,  mais les consommateurs sont lésés et l'économie n'est pas efficiente (la totalité du potentiel économique n'est pas révélée). Les profits des uns se font au détriment de la satisfaction des autres.

L'organisation économique proposée par BALLE tente de concilier profit et consommation par l'intermédiaire d'une non-séparation des rôles d'actionnaires, d'employés et de consommateurs. Si les agents économiques individuels sont simultanément propriétaires, employés et clients des entreprises qui constituent l'économie locale, alors la recherche d'un intérêt économique unilatéral peut sembler futile par rapport à la recherche d'une plus grande efficacité (produire les biens utiles au bonheur des agents économiques) et d'une plus grande efficience économique (produire en consommant le moins de ressources possibles). 

Si cette conciliation peut apparaître comme conceptuellement attrayante, on doit cependant s'interroger sur l'existence et le rôle de l'incitation économique. Plus généralement, à quelles incitations les individus obéissent-ils dans le système proposé par BALLE ? Mais à l'évidence, il y a bien plus dans le système proposé par BALLE que les incitations économiques seules ! La théorie des sentiments moraux qui, sous une expression ou sur une autre, est l'un des piliers de la philosophie anglo-saxonne résonne dans la conception de BALLE. Si l'on ne peut nier l'existence d'un intérêt personnel, on doit considérer que l'homme est également motivé au bien public (celui de ses amis, de sa famille, et du public). BALLE ancre l'idée de la recherche du bien-être public dans la proximité (la communauté) et propose une architecture globale s'organisant autour du concept que la multiplicité des actions visant au bien-être public local peut produire un bien-être public global. J'avais scénarisé, certes dans un autre domaine et il y a plusieurs années maintenant, le concept des îlots de vertus dans une mer de vice, BALLE, plus optimiste, prône la multiplication des îlots de vertus et suggère que l'on ne doit pas attendre que l'ensemble du système change pour produire des changements locaux vertueux.

Comment les solutions locales se matérialisent-elles aujourd'hui en France ? Je trouve l'initiative de Deux Gourmands très intéressante.
  

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