samedi 5 mai 2012

La réputation : 8 leviers pour améliorer la compétitivité (2)

Ce second billet fait suite à un premier billet publié il y a quelques jours sur le même sujet.

J'aime souvent faire référence à une expérience réalisée par Brian Wansink, professeur de marketing à l'Université de Cornell aux USA, pour exposer le rôle de la réputation, le contexte dans lequel elle est particulièrement utile et ses supports. L'expérience consiste à mesurer l'effet sur la satisfaction des convives d'un restaurant lorsqu'on leur offre un verre de vin en attendant de les accompagner à leur table. Avec cette expérience, le restaurateur se pose la question de savoir s'il doit proposer quel vin proposer et comment le présenter. Dans cette expérience, une seule chose va changer : la présentation du vin. Le reste, à savoir le vin, le verre, la température de service, le menu, etc., sera équivalent entre tous les convives.

À 50 % d'entre eux, le serveur présentera le vin comme venant d'un domaine Californien... et à 50 % d'entre eux, le serveur présentera le vin comme un vin du North Dakota. La première région est réputée pour ses vins, alors que la seconde région n'est pas réputée pour ses vins (à ma connaissance on ne produit pas de vin dans cet état). L'effet des variations incontrôlées sur d'autres aspects du repas qui pourrait affecter la satisfaction du consommateur sera atténué par la répétition de l'expérience et leur prise en considération lors du traitement statistique. Les variables utilisées pour appréhender la satisfaction des convives sont, par exemple la durée de la présence dans l'établissement — car on reste dans un restaurant si on y passe un bon moment -- le nombre des assiettes terminées, etc. Lorsque le vin est présenté comme un vin de Californie, les indicateurs de la satisfaction atteignent des valeurs supérieures à celles obtenues lorsque l'on indique que le vin vient du North Dakota.

Voici l'analyse que je vous propose de cette expérience. Brian Wansink utilise lui cette expérience pour souligner les effets de levier que certains aspects a priori anodins peuvent exercer sur la consommation alimentaire et la satisfaction. Il convient de se rappeler que le vin est un cadeau offert par le restaurateur à ses convives pour les faire patienter en attendant de les accompagner à leur table. Dans ce contexte, le convive peut se demander quelle valeur le restaurateur attribue à son commerce. On traite les convives de marque avec respect... et on leur offre un vin de qualité plutôt qu'un petit vin... Or lorsque l'on n'est pas en mesure d'apprécier directement la qualité d'un vin par l'expérience, c'est-à-dire en le goûtant, alors on doit se reposer pour en apprécier la valeur sur des indices. Dans ce contexte d'évaluation, le premier indice dont on peut se saisir est la région d'origine du vin. Est-elle réputée pour ses vins ? Si elle ne l'est pas, les chances pour que le vin soit de grande valeur sont réduites. Elles sont plus importantes lorsque le vin vient d'une région réputée pour la qualité de ses produits. Autant dire les vins de Californie ont une excellente réputation, ce qui n'est pas le cas pour le North Dakota qui est connu comme l'état des « high plains » et pour ses productions de grains et d'oléagineux. Pour répondre à la question « Suis-je considéré comme un hôte de marque ? », la réputation de la région d'origine offre un bon indice... et lorsqu'il n'y a qu'un seul indice disponible, alors son importance est encore plus grande.

Avant de conclure ce second carnet de la série « La réputation : huit leviers pour améliorer la compétitivité », je souhaiterais rappeler que la réputation est une représentation mentale et préciser que celles-ci sont composées d'associations stockées dans nos mémoires. Les représentations mentales peuvent être autobiographiques ou empruntées ; elles peuvent être conscientes ou inconscientes.

Elles sont autobiographiques lorsque l'on fait référence aux expériences de son passé. Elles sont empruntées lorsque l'on se repose sur des ouï-dire. Ainsi nous avions constaté que l'idée selon laquelle les fruits sont chers est une idée souvent empruntée. Pour s'en assurer, il suffit de demander le prix d'un kilogramme de pommes, de poires ou encore de fraises à une personne qui vous soutient que les fruits sont chers. Nous avons observé que dans plus de 50 % des cas, la personne n'avait aucune idée du prix des fruits les plus fréquents sur un étal (lire le Cahier n°12 : "trop cher! " - Mais est-ce bien une question de prix ? Ce cahier et les autres cahiers de la Chaire sont disponibles gratuitement auprès de Christine Cantrel - cantrel@essec.fr) L'idée est donc parfois empruntée. Il s'agit d'une vérité sociale qui est souvent véhiculée dans la presse, et à laquelle on ne peut s'opposer sans entacher sa propre réputation. J'oppose ici une réalité sociale à une réalité subjective, l'appréciation personnelle (et donc par nature subjective) d'une chose observée. Car il y a une différence de nature entre l'appréciation de celui ou celle qui juge que les fruits sont (ou ne sont pas) chers en connaissance de cause et celui ou celle qui véhicule une idée qui lui a été transmise par les médias ou le bouche-à-oreille. C'est ici que l'on peut parler de réputation. Mais la question n'est pas aussi facile à trancher... Il est possible qu'une vérité sociale transforme l'appréciation subjective réalisée en connaissance de cause. Pour illustrer mes propos : Robert Parker. Ce fameux critique américain de vins aurait, parait-il, fait adopter ses propres goûts à des milliers de passionnés qui lisaient dans la presse ses critiques ou achetaient ses guides. Un vin noté 95/100 par Robert Parker devenait, ipso facto, la référence pour de nombreux dégustateurs amateurs. Et de fait un très bon vin.

En attendant la publication du prochain billet de cette série, voici une petite question de vocabulaire. On parle parfois de « remède de bonne femme. » Mais quel est donc le rôle des femmes dans cette histoire?

Olivier Fourcadet

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