vendredi 20 janvier 2012

Mythologies peri-alimentaires (7)

Les mythes dans les publicités alimentaires: avantages et inconvénients.

Le mythe est avant tout un récit, c’est une forme particulière d’exposition des arguments de la proposition de valeur, de la promesse produit. Depuis quelques mois cette forme d’expression est redevenue au goût du jour sous le terme anglo-saxon de storytelling. Un récit, s’il est bien construit, sera supérieur en performance à la simple apposition des mêmes arguments. Cette performance peut être appréciée sur des dimensions cognitives, affectives, ou conatives. Par exemple, une équipe d’étudiants de l’ESSEC a testé, lors d’une unique exposition, l’effet « storytelling » sur le degré de mémorisation d’un ensemble d’attributs associés à un produit laitier frais par rapport à une simple énonciation de ces mêmes attributs. La restitution a été meilleure pour le groupe « storytelling » que pour le groupe témoin. Bien que les résultats de cette expérience soient intéressants, ils ne permettent pas de comprendre par l’intermédiaire de quels mécanismes cognitifs[1] la restitution a été améliorée, ni même d’identifier des figures de style particulièrement performantes.

Un récit est une structure. On sait que la mémorisation et, parfois aussi, la compréhension sont habituellement améliorées par une exposition structurée des arguments. Une expérience bien connue en psychologie cognitive consiste à présenter une même liste d’items (des minéraux et des roches) soit sous la forme d’une liste, soit sous la forme d’une structure arborescente. Le règne minéral peut être divisé en minéraux et roches ; les minéraux peuvent être à leur tour divisés entre les minéraux précieux et ceux qui ne le sont pas ; les minéraux précieux peuvent être divisés entre les métaux précieux (or, argent) et les pierres précieuses (diamant, émeraudes, rubis, etc.) ; ainsi de suite. On se rappelle plus d’items si leur exposition était structurée.

Un mythe publicitaire est habituellement plus qu’une histoire : c’est une histoire qui s’inscrit dans notre l’histoire culturelle. De ce fait, le mythe publicitaire s’ancre, s’accroche, dans un réseau sémantique ou propositionnel déjà présent dans notre esprit et composé des mythologies, symboles ou rites anciens. Autrement dit, on se contente de compléter le contenu des réseaux déjà implantés dans notre mémoire des éléments récents, comme la marque. Elle bénéficiera donc naturellement et à moindre frais des attributs, positifs ou négatifs, déjà présents en mémoire et associés aux réseaux existants dans lesquels la publicité va la placer. Il semble alors essentiel de bien comprendre quels sont les réseaux existants, leur structure et leur valence ; lesquels de ces réseaux seront activés par la publicité et où se placera dans ses réseaux le produit, la marque et les attributs que l’on souhaite y attacher.

Alors que les bénéfices des mythes publicitaires sont potentiellement très importants, on ne saurait sous estimer l’éventuel inconvénient d’un récit publicitaire trop influent. A savoir : seul le récit retiendrait alors l’attention du téléspectateur, lequel le mémorisait au détriment de la marque que la publicité était censée exposer. Lorsque l’on invoque de puissantes forces mythologiques, il convient de faire preuve de subtilité dans leur incorporation aux publicités. Le second inconvénient est de rattacher à la marque des attributs négatifs ou indésirables qui seraient empruntés à des mythes auxquels on pourrait s’associer par advertance.

Le dernier inconvénient repose sur la dissonance éventuelle que la publicité pour une marque est susceptible de produire entre l’image qu’elle propose et l’image historique qu’elle suggère. Cette dissonance, si elle n’est pas résolue, peut engendrer des comportements contre productif pour la marque. L’inconfort produit par une dissonance est parfois atténué par la fuite ou un enfouissement comparable à l’oubli.

En guise de conclusion

La publicité pour les produits alimentaires fait donc très souvent appel à une exposition sous la forme d’un récit lequel peut emprunter à une mythologie ancienne. Celle-ci peut être directement attachée au produit, mais elle peut être également attachée aux différents cadres qui sont utilisés lors de l’exposition du produit, telle que le type de figure, homme ou femme, dominant ; la localisation : dans la nature ou dans un intérieur. Chacun de ces cadres interagit subtilement avec les autres cadres et avec la marque. Les effets de ses interactions peuvent être aussi bien négatifs que positifs.

Le mythe en tant que structure récitative a potentiellement des effets positifs sur certaines dimensions cognitives désirables. Cependant, des effets négatifs peuvent apparaître si les mythes empruntés ne sont pas choisit avec une grande attention et mixé avec subtilité aux attributs de la marque que l’on veut mettre en valeur.



[1] La restitution met en œuvre une procédure de rappel des choses mémorisées ; la mémorisation (stockage) nécessite l’attention et / ou la perception. Elle peut se faire selon plusieurs « processus » dont la répétition.

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